Tout le peuple s’assemble sur la fin de l’apres-dinee, et va jouer une espece de scene que j’ai entendu appeler comedie. Le grand mouvement reste via une estrade, qu’on nomme le theatre. Aux 2 cotes, on voit, dans de petits reduits qu’on nomme loges, des hommes et des femmes qui jouent ensemble des scenes muettes, a peu pres tel celles qui sont en usage en notre Perse.
La, les actrices ne paroissent qu’a demi-corps, ainsi, ont ordinairement un manchon, via modestie, Afin de cacher leurs bras. Il y a en bas une troupe de gens debout, qui se moquent de ceux qui seront en haut concernant le theatre, et ces derniers rient a un tour de ceux qui seront en bas.
Mais ceux qui prennent le environ peine paraissent deux gens qu’on prend Afin de votre effet dans un age minimum avance, pour soutenir la fatigue. Ils paraissent obliges d’etre partout ; ils passent par des endroits qu’eux seuls connoissent, montent avec une adresse surprenante d’etage en etage ; ils sont en haut, en bas, dans l’integralite des loges ; ils plongent, pour ainsi dire ; on des perd, ils reparoissent ; souvent ils quittent la zone d’une scene et vont jouer dans un autre. On en voit aussi qui, via un prodige qu’on n’auroit ose esperer de leurs bequilles, marchent et vont tel nos autres. Enfin on se rend a des salles ou l’on joue une comedie particuliere : on commence par des reverences, on continue via des embrassades. On evoque que la connoissance la plus legere met votre homme en droit d’en etouffer votre autre : il semble que le lieu inspire d’une tendresse. En effet, on dit que les princesses qui y regnent ne semblent point cruelles ; et, si on excepte deux ou trois heures par jour, ou elles seront assez sauvages, on peut dire que le demeure du temps elles seront traitables, ainsi, que c’est une ivresse qui les quitte facilement.
Un de mes amis me mena l’autre jour dans la loge ou se deshabilloit une des principales actrices. Nous fimes si bien connoissance, que le lendemain je recus d’elle une telle lettre :
« j’habite la plus malheureuse fille du monde ; j’ai toujours ete la plus vertueuse actrice de l’Opera. Ils font sept ou 10 mois que j’etois dans la loge ou vous me vites hier ; tel je m’habillois en pretresse de Diane, un petit abbe vint m’y trouver ; et, sans respect pour mon habit blanc, mon motocross et mon bandeau, il me ravit mon innocence. J’ai beau exagerer le sacrifice que je lui ai fera, il se met a rire et me soutient qu’il m’a trouvee tres-profane. Cependant je suis si grosse que je n’ose plus me presenter sur le theatre : car j’suis, dans le chapitre de l’honneur, d’une delicatesse inconcevable ; et je soutiens toujours qu’a une fille bien nee il va i?tre plus facile d’effectuer perdre la vertu que la modestie. Avec votre delicatesse, vous jugez bien que ce petit abbe n’eut jamais reussi, s’il ne m’avoit promis de se marier avec moi : 1 motif si legitime me fit passer i propos des petites formalites ordinaires et commencer par ou j’aurois du finir. Mais, puisque le infidelite m’a deshonoree, je ne veux plus vivre a l’Opera, ou, entre vous et moi, l’on ne me donne guere de quoi vivre : car, a present que j’avance en age, et que je perds du cote des charmes, ma pension, qui est toujours la meme, semble diminuer l’ensemble des temps. J’ai appris, avec un homme de votre suite, que l’on faisoit un cas infini, dans votre pays, d’une solide danseuse, ainsi, que, si j’etois a Ispahan, ma fortune seroit aussitot faite. Si vous vouliez m’accorder votre protection et m’emmener avec vous dans ce pays-la, vous auriez l’avantage de faire du bien a une fille qui, par sa vertu et sa conduite, ne se rendroit jamais indigne de ces bontes. Je suis… »